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L’Unité,
Ninni Holmqvist
Ma Note : 17/20

C’est en flânant de blog en blog que je suis tombée sur la couverture de ce livre, qui m’a de suite interpellée. Intriguée par le résumé de quatrième de couverture, je me le suis très vite procuré pour, ensuite, en faire le premier post littéraire de ce blog.

L’histoire contée à la première personne se déroule en Suède, dans un temps futur : Dorrit, comme toute femme célibataire et sans enfant de 50 ans, se voit forcée de quitter sa maison et son chien pour rejoindre l’Unité, où elle servira de “banque d’organes” vivante, entourée de femmes et d’hommes (de plus de 60 ans pour eux) dans la même situation. L’Unité, c’est une sorte de maison de retraite où les caméras de surveillance jonchent les murs, mais où tout le monde peut pratiquer les activités de son choix à longueur de journée. Jugée superflue, Dorrit devra alors y subir un tas d’expérimentations médicales pour servir les “nécessaires”, ceux qui contribuent au bon fonctionnement de la société. Evidemment, notre protagoniste ne tarde pas à se faire des amis, dont un certain Johannes.
Vous l’aurez compris, cette dystopie n’est pas banale, elle est même dérangeante et nous pose un réel problème moral : peut-on distinguer des personnes nécessaires et des personnes superflues sur le simple critère de la maternité ? A la lecture, j’ai ressenti un véritable malaise, et pas seulement parce que je me questionnais sur le plan éthique : la description de toutes ces interventions, de toutes ces expérimentations, la comparaison des cicatrices par exemple… Les mots avaient une portée qui résonnaient dans mon imagination. Le contraste est saisissant entre le peu de considération que l’on a pour les superflus, traités comme de la chair expérimentale, et le confort dont ils jouissent. “Je sais comment agit le système, comment on s’assure que vous ne trouviez pas la motivation pour vous échapper. Mais si vous la trouvez, si vous voulez vraiment survivre, vous découvrirez ces issues. Je sais que ça paraît fou, mais c’est tout simplement comme ça que la psyché fonctionne : on ne voit généralement que ce qu’on est préparé à voir, ce qu’on s’attend à voir.” L’utilitarisme suffit à justifier la mort des improductifs. Tout est orchestré pour que les superflus acceptent d’eux-mêmes leur condition, tout cela dans une optique démocratique qui répond à la logique imposée.

J’ai été beaucoup touchée par le leitmotiv de la relation que Dorrit entretient avec son chien, car je m’y suis pleinement retrouvée : “Pour celui qui n’a jamais fait l’expérience de la proximité d’un animal ou n’y a jamais attaché grande importance, il est peut-être difficile de comprendre qu’un chien puisse vous manquer au point que son absence soit littéralement douloureuse. Toutefois, la relation avec un animal est bien plus physique que celle qui vous lie à une personne. On n’apprend pas à connaître un chien en lui demandant d’exprimer ce qu’il éprouve ou ce qu’il pense, mais en l’observant et en apprenant à interpréter son langage corporel. Par ailleurs, toutes les choses importantes que vous souhaitez lui communiquer, vous devez les lui montrer à travers vos actions, votre attitude, vos gestes et des sons.“… J’ai également beaucoup aimé que l’histoire soit présentée comme étant écrite de la main de la protagoniste. Ce tour de passe-passe qui insiste sur le vraisemblable a toujours son petit effet sur moi.

Les chapitres courts permettent une lecture fluide, et une progression très rapide. Je soulignerai en revanche un rythme un peu confus : l’enchaînement temporel est parfois difficile à cerner. La narratrice s’arrête sur des scènes courtes, puis intercale des ellipses dont on ne connaît pas la durée exacte… A la réflexion, je pense que cette confusion est volontaire : dans l’Unité, les superflus subissent un éternel printemps, et ne disposent d’aucun moyen pour mesurer les jours qui passent. Pour une histoire contée à la première personne, l’auteur a selon moi tenu à ce que le lecteur se perde pour mieux s’immerger dans l’univers de l’Unité. Cependant, tout est à mon goût un peu trop prévisible. L’histoire d’amour, on la sent venir à des kilomètres – je n’en dirai pas davantage pour ne pas gâcher votre éventuelle lecture. Tout, sauf la fin. J’avais tellement envie de secouer Dorrit ! Le roman nous la présente comme celle qui connaît un destin différent des autres, celle qui serait en mesure de tout changer dans cette société injuste, de faire basculer les normes entre superflus et nécessaires. La facilité avec laquelle elle renonce à cette possibilité est déconcertante, et totalement insatisfaisante.

La lecture de L’Unité ne vous laissera pas indemne : c’est ce que j’avais lu dans plusieurs critiques, et c’est ce que je vous annonce à mon tour. A la frontière entre The Island et Never let me go, ce roman est incontestablement à découvrir !

La Parisienne

0 réponse

  1. Je confirme que cette lecture ne laisse pas indifférente, et tu as raison de faire le lien avec les deux livres (et films) qui sont sur la même vague…

  2. C’est vrai que la comparaison avec The Island et Never Let Me Go est vraiment bien trouvée! J’ai aussi trouvé le livre très dérangeant et surtout ce qui m’a dérangé c’est cette facilité à accepter qu’ils sont des gens inutiles… Et je trouve que la fin prouve bien que dans ce monde dystopique, c’est rentré dans les moeurs!

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